La mort dans l'âme. Pour en finir avec l’Opus Dei

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Par UBIVULT, le 10/03/2014


La prochaine béatification de Alvaro del Portillo, premier successeur d’Escriva de Balaguer à la tête de l’Opus Dei, jette à nouveau les feux de l’actualité sur cette Institution pour le moins controversée.

Il est de notoriété commune que Jean-Paul II a pris appui sur l’Œuvre pour soutenir son projet de «nouvelle évangélisation». Il en a même fait un fer de lance privilégié, particulièrement aiguisé, lui conférant une parfaite légitimité tant par l’érection de l’Opus Dei en Prélature personnelle que par la canonisation express de son fondateur...

Il n’y a pas de quoi s’étonner d’une telle sollicitude: il existait en effet une apparente proximité entre le pape polonais et l’Œuvrede Dieu dans leur volontécommune de rappeler aux chrétiens que la sainteté n’est pas l’apanage des prêtres et des religieux mais concerne tous les baptisés. Escriva se targuait même de n’avoir pas attendu le concile Vatican II pour crier cette vérité sur les toits; quant à Jean-Paul II, il a non seulement simplifié les procédures menant à la canonisation mais a élevé à la dignité des autels, sous son seul pontificat, plus de personnes – dont de nombreux laïcs – que ne l’avaient fait ses prédécesseurs pendant plusieurs siècles.

Certes, l’intention semble louable qui vise à inviter tout chrétien vivant au milieu du monde à se sanctifier au cœur de ses activités quotidiennes, qu’elles soient d’ordre familial, professionnel ou social. Mais force est de constater, à la lecture des témoignages d’ex-membres de l’Opus Dei repris sur des sites web ou des blogs spécialisés, qu’il y a loin entre la déclaration d’intention et une praxis à beaucoup d’égards délétère.

Il ne s’agit pas, sauf rare exception, de scandales à caractère sexuel comme ont pu les connaître les Légionnaires du Christ et leur tristement célèbre fondateur, le Père Maciel – dont les agissements, soit dit en passant, ont été couverts par Jean-Paul II pourtant parfaitement informé de la situation mais n’ayant pris aucune mesure pour y remédier, préférant sauvegarder l’aura d’un mouvement offrant de nombreuses vocations sacerdotales à l’Eglise plutôt que l’attention à ses victimes.

Il pourrait s’agir par contre de scandales financiers, de détournements de fonds ou de fraude fiscale, pratiques courantes dans l’Opus Dei qui ont, à plusieurs reprises, défrayé la chronique. Mais, ici encore, l’Œuvre a bénéficié du même silence que celui par lequel fut protégé Mgr Marcinkus, mafieux notoire et président de la banque du Vatican(IOR) avant l’effondrement de celle-ci; en raison des accords entre le Saint-Siège et l’Etat italien, Marcinkus a pu échapper aux Tribunaux (alors que la justice italienne le condamnait lourdement) pour passer une retraite paisible en Californie. Ce que les prétendus détracteurs de l’Opus Dei dénoncent avec force aujourd’hui relève du viol insidieux des consciences, de la captation de mineurs par le biais d’unprosélytisme agressif – à l’insu des parents! – ,du recours généralisé et imposé à une médication involontaire pour ceux qui voudraient abandonner les rangs de l’Œuvre, de l’instrumentalisation des personnes au seul service d’une institution convaincue de représenter le salut de l’Eglise, claquemurée dans ses certitudes d’un autre âge, dont toute forme de contestation entraîne exclusion et diffamation, comme il est de règle dans les systèmes sectaires et dictatoriaux: «obéir ou s’en aller» est d’ailleurs un leitmotiv largement repris et appliqué de façon drastique.

On l’aura compris, l’élection de François à la chaire de Pierre a tout d’une mauvaise nouvelle pour l’Opus Dei: d’abord parce que les Jésuites en sont l’ennemi historique, accusés d’avoir cherché à étouffer l’œuvre de Dieu dès son origine et lui avoir rendu la vie impossible au fil des décennies. C’est ainsi qu’en interne, «ceux de toujours» désigne encore l’ordre des Jésuites et ce depuis l’époque où il s’agissait de pister l’origine d’une nouvelle calomnie. Pour sa part, Escriva assurait que jamais un Jésuite ne franchirait le seuil d’un centre de l’Œuvre; il lui arriva même de dire: «Je préfère qu’une de mes filles meure sans les derniers sacrements plutôt que de les voir administrer par un Jésuite»!

Mais il y a plus: le style et les orientations du pape actuel ont de quoi inquiéter sérieusement les tenants de l’Opus Dei car ni l’option préférentielle pour les pauvres, ni le dialogue et l’ouverture, ni la miséricorde au lieu du jugement, ni les processus longs plutôt qu’une catéchèse étroite, ni le souffle vivifiant de l’Esprit en lieu et place d’une morale du comportement, ni la joie de l’Evangile au détriment d’une théologie tridentine ne font partie du crédo de l’Œuvre.

S’il est un maître mot dans la catéchèse de François, c’est bien le discernement: celui d’une conscience ouverte, réceptive aux motions de l’Esprit par quoi le chemin se fait en marchant. C’est ainsi que la personne se construit, dans une autonomie responsable de ses choix. Tout le contraire de l’obéissance aux normes et critères imposés d’en haut par des Directeurs prétendument détenteurs de la volonté divine pour tout un chacun: «Il se peut, est-il dit dans la praxis opusienne, que ton Directeur se trompe en t’indiquant de faire telle ou telle chose; mais sache que toi, en obéissant, tu ne te tromperas jamais!». C’est pourquoi, toute forme d’esprit critique, toute contestation et jusqu’à l’expression d’un avis contraire à la doxa interne de l’Œuvre font immédiatement l’objet de remontrances et de mises en garde: de tels propos ne peuvent être que la manifestation d’un esprit rebelle, de l’amour propre, d’un manque de «vision surnaturelle» quand ce n’est pas d’une inspiration diabolique!

Interdire de la sorte à quelqu’un l’accès au sanctuaire de sa conscience individuelle, là précisément où se trouve la plus haute dignité de la personne, constitue sans nul doute un aspect majeur de ce qu’il est convenu d’appeler le péché contre l’Esprit. Il s’agit ici aussi d’un viol, destructeur et mortifère, car il bloque le processus de croissance par lequel chacun est appelé à vivre cette seconde naissance, celle de l’esprit, qui conduit au Royaume intérieur.

Mais qu’importe, l’Opus Dei fera, comme à l’accoutumée, ce qu’elle fait le mieux: avant tout, le marketing de ce qu’elle n’est pas. Car si l’Œuvre fait preuve d’un réel talent, c’est bien celui de se parer d’une aura de respectabilité, cherchant à projeter une image d’elle-même en parfaite contradiction avec ses pratiques internes.

A titre d’exemple: suite à des dénonciations auprès du Saint-Siège relatives au non-respect du for interne par les Directeurs de l’Œuvre (qui vont jusqu’à rédiger des rapports écrits sur les membres dont ils assurent la direction spirituelle), le Prélat actuel Mgr Echevarria, s’est fendu d’une lettre assurant que les Directeurs n’exercent pas une telle direction. Il s’en est suivi un énorme scandale, jusque dans les rangs de la Prélature, tant une telle affirmation est mensongère – ce dont attesteront tous ceux qui, un jour, ont faire partie de l’Opus Dei.

Autre stratégie de l’Œuvre face à ceux qui se permettent d’en questionner les pratiques: l’attaque et le dénigrement systématiques. Ainsi du site web Opuslibros, rassemblant des centaines de témoignages d’anciens membres, qui est présenté par l’Opus Dei comme étant le fait d’une poignée d’individus amers, animés d’un profond ressentiment face à leur échec de n’avoir su être fidèles à leur vocation. Et d’ajouter la nécessité de taire ce qui est su des comportements de ces anciens membres «afin de ne pas blesser la charité»! On appréciera…

Ainsi encore de l’exclusion de certaines personnes souhaitant déposer dans le cadre du procès en béatification de Mgr Escriva: Miguel Fisac, architecte renommé et membre de la première heure de l’Opus Dei, a été écarté du Tribunal en raison d’un «déséquilibre mental»; Maria del Carmen Tapia, un temps secrétaire particulière d’Escriva, écartée elle aussi, car présentée comme une femme de mauvaise vie (que le saint fondateur avait d’ailleurs séquestrée au siège central de l’Œuvre pendant de longs mois avant de l’éjecter de l’Opus Dei, non sans l’avoir traitée de «pute» (sic)!); et tant d’autres encore, écartés aussi… parce que tous contestaient l’image d’Epinal donnée d’Escriva par ses successeurs (del Portillo et Echevarria), nullement conforme à l’expérience qu’ils en avaient eue.

Enfin, l’attitude victimaire est sans doute l’une des plus prisées par l’Opus Dei: à la lecture d’un article comme celui-ci, la position officielle consistera à décréter que ceux qui sont fidèles au Christ et à son Eglise doivent s’attendre à souffrir la contradiction, comme leur Maître. Qu’ils tirent honneur d’êtres calomniés pour le Christ et associés au pape Jean-Paul II dans la critique. Qu’il convient de prier, se taire et pardonner à ceux qui font le mal.

Car il va de soi que le mal est partout, sauf chez eux: nul besoin de se remettre en cause ni même, comme le disait Escriva, de procéder au moindre aggiornamento pour la bonne et simple raison que l’Œuvre est «de Dieu»… Vraiment?

Il y a peu, Victor, membre numéraire de l’Opus Dei de 32 ans s’est donné la mort.

Après plus de 15 ans dans l’Œuvre, toute joie de vivre l’a quitté, broyé par la pression incessante et les contradictions flagrantes de l’Institution à laquelle il s’était donné corps et âme, animé par le souhait de servir le Christ. Il a laissé derrière lui une lettre poignante où il révèle son calvaire au sein de l’Œuvre. «Qu’au moins, souhaite-t-il dans son écrit, ma mort serve à ce que ne soit pas amputée la vie d’autres adolescents». L’Opus Dei ne manquera pas de balayer cet incident de quelques mots de commisération sur un jeune déséquilibré.

Aussi peut-on espérer que le Saint-Siège mettra, à dénoncer, stigmatiser et réformer l’Opus Dei la même vigueur que celle dont il a fait preuve à l’égard des Légionnaires du Christ. A moins que le viol des consciences lui importe moins que les délits de pédophilie, ce qui serait pour le moins paradoxal de la part d’une autorité spirituelle, ce que l’Eglise entend l’être.




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