Celui qui juge, c'est le Seigneur

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C.F. (Argentine, 12 août 2003)


Un jour, au cours d’une réunion, nous évoquâmes les travaux de l’oratoire de la Commission qui étaient presque achevés. J’étais plutôt bricoleur, et à ce titre, faisais partie de l’équipe qui installait le « Chemin de croix ». Alors que tout le monde s’extasiait sur le nouvel oratoire, je remarquai à voie haute que son ornementation me paraissait bien trop chargée. À l’issue de la réunion, un directeur me fit une correction fraternelle : Comment pouvais-je critiquer l’ouvrage, alors même que ses plans avaient été approuvés par le Conseiller ?

J’ai toujours eu l’impression qu’il y avait deux types de corrections fraternelles, celles qui relèvent un simple manquement au comportement : « Ne parle pas si fort dans la salle à manger » et celles qui induisent un jugement moral : « Ne parle pas si fort dans la salle à manger, cela montre que tu cherches à te faire remarquer ».

Je me souviens de ma deuxième correction fraternelle, elle relevait de la deuxième catégorie. On me dit que « je devais plier les nappes avec plus de soin, car mon inapplication montrait mon manque d’amour pour Dieu. » Je crus rêver et allai voir le directeur, qui me confirma avoir donné son accord pour que cette correction fraternelle me soit adressée en ces termes. Je répondis avoir appris dans l’Œuvre et de la bouche même du Fondateur, que “Dieu seul est juge” et donc ne pas voir très bien le rapport entre le fait de plier une nappe et mon amour de Dieu ? Et s’il y en avait un, Dieu me jugerait et non pas celui qui m’avait fait la correction fraternelle, ni même le directeur. Celui-ci me demanda si je cherchais le conflit ? Je répondis aussitôt que je ne discutais pas le bien fondé de cette correction, que j’avais naturellement beaucoup à apprendre avant de devenir un plieur de nappes professionnel, mais j’avais eu cependant l’impression que le jugement portait davantage sur ma personne que sur mon comportement. Cela n’allait-il pas à l’encontre de l’esprit de l’Œuvre ?

Ces corrections fraternelles se répétèrent souvent : ma façon de m’asseoir à l’oratoire « révélait un manque d’esprit de prière », le choix d’un fauteuil pour assister à la réunion « montrait mon manque de mortification », terminer une Norme le soir, au dernier moment, juste avant d’aller dormir « révélait le peu d’importance que j’accordais aux Normes de notre plan de vie. » etc.

Plus tard, alors que j’étais moi-même directeur d’une retraite de numéraires, quelqu’un vint me dire : « X se tient mal à l’oratoire, cela montre son manque d’amour envers le Saint-Sacrement. » Je lui demandais comment il pouvait juger de « l’amour pour le Saint-Sacrement » par la simple manière de se tenir. Certain d’avoir raison, il insistait sans toutefois oser préciser trop sa pensée, j’étais tout de même le directeur de cette retraite ! Naturellement, je poussai l’avantage : « En quoi ce garçon personne se tient-il mal ? » « Il a la tête entre les mains et ne regarde pas le tabernacle ». Je répondis : « On peut avoir la tête entre les mains et le cœur en Dieu. De la même manière, on peut regarder le tabernacle en pensant à un match de foot ou… à comment se tiennent les autres ? » Il insista encore : « Mais peut-être qu’il dort ? » Je le rassurai : s’il dormait, c’est qu’il en avait besoin et Dieu verrait alors son sommeil comme une prière. Il sortit et je crus en avoir fini avec lui. Lorsque je revins dans mon centre, le directeur me fit une correction fraternelle : « Le fait que tu refuses, en tant que directeur, une correction fraternelle évidente, montre que tu voulais imposer tes propres critères au lieu de ceux de l’Œuvre. »

Ah, si seulement j’avais pu imposer mes propres critères, cela aurait montré que j’étais encore capable de penser par moi-même !