Souvenirs à l'occasion du 19 mars

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Isabel Nath (Espagne, 14 mars 2005)


Je n’ai pas quitté l’Opus Dei, on m’a jetée dehors. Cette même « grâce d’État » qui avait poussé les directrices à affirmer que j’avais la vocation de numéraire leur fit voir, cinq ans et demi plus tard, que je ne l’avais pas.

Je n’ai jamais eu la langue dans ma poche. Je disais toujours ce que je pensais, dans le respect, toutefois, des « règles ». Nous étions en mai 1985 et je venais de faire remarquer à la directrice de mon centre, avec qui je faisais aussi « l’entretien », quelque chose qui me semblait grave, même si tout le monde semblait trouver cela normal ou s’y être habitué. La directrice m’écouta, ne fit aucun commentaire mais elle en parla à la Délégation. Il faut préciser que ce que je dénonçais concernait la Délégation elle-même. La directrice avait le devoir d’en parler au Conseil Régional, naturellement, mais à l’époque, j’étais loin d’imaginer le va-et-vient d’informations confidentielles dans l’Opus Dei. Je ne pouvais imaginer non plus un tel manque d’éthique dans la manière de traiter les sujets.

Deux jours plus tard, je commençais à subir des pressions de la part de la directrice et du prêtre : y avait-il quelque chose en rapport avec la pureté dont je n’avais jamais encore parlé ?… J’étais stupéfaite. Tout d’abord parce je n’avais pas l’habitude de cacher quoique ce soit, mais surtout quelle mouche les avait piqués pour me poser une telle question ? Je répondis « non », croyant que l’affaire s’arrêterait là, car n’est-il pas vrai « que la parole d’un de mes enfants vaut plus celle de je ne sais combien de notaires » ? [Phrase du fondateur].

O naïveté, cela ne faisait que commencer ! La directrice et le prêtre me harcelèrent pendant 2 semaines. Je devais entrer tous les jours au confessionnal, ce qui, bien sûr, attirait sur moi l’attention de tout le centre. Mes conversations avec l’un comme avec l’autre étaient démentielles, ils tentaient de me faire avouer des choses que je n’avais jamais faites. Comme cela durait souvent plus d’une heure, je finis par croire que j’avais vraiment caché quelque chose qu’il m’était impossible de me rappeler. Je ne faisais que répéter « s’il y a quelque chose dont je n’ai pas parlé, je ne m’en souviens pas, donc je ne peux rien avouer. Mais rassurez-vous, si un jour je me le rappelle, je vous le dirai tout de suite, » Tout pour en finir avec ces interrogatoires dignes de la Gestapo !

Finalement tout s’arrêta subitement et à mon entretien suivant la directrice me dit « sans anesthésie » : « Tu dois y réfléchir dans la prière, mais les directrices pensent que tu n’as pas la vocation à l’Opus Dei. » Et moi, du haut de mes vingt ans, soudainement éclairée par une lucidité foudroyante du Saint-Esprit, je lui dis : « si seules les directrices voient la volonté de Dieu dans l’Opus Dei, à quoi dois-je exactement réfléchir dans la prière ? » Elle me regarda stupéfaite, il planait un silence de mort. Et moi : Donc si je comprends bien, il y a cinq ans, j’avais la vocation de numéraire et maintenant je ne l’ai plus. Je ne vois alors aucune raison de rester au centre, je vais faire ma valise et partir sur le champ… N’est-ce pas ? Réponse : Isabel, ma fille, tu n’y vas pas de main morte !

C’est ainsi qu’Isabel qui n’avait jamais ressenti une aussi grande paix, se leva et laissa sur la table de la directrice ses « preces » et sa mantille. Elle revint cinq minutes plus tard et devant une directrice mi-perplexe, mi-envieuse, déposa ses « disciplines » et son cilice. Puis je lui dis que j’allais téléphoner à mon père, elle voulut venir avec moi. Elle avait peur car elle ne s’attendait pas à une réaction aussi rapide et concrète de ma part. Et surtout elle voyait que le scénario ne se déroulait pas comme prévu et cela, pour l’Opus Dei, relève du pur cauchemar. J’appelais donc mon père devant elle et lui répétais notre conversation. Mon père était surnuméraire depuis deux ou trois ans. Il resta un instant sans voix avant de dire qu’il viendrait me chercher dès le lendemain. La directrice essayait de savoir ce qu’il me disait, il s’en aperçut et se vexa.

Lorsqu’elle comprit que mon père viendrait me chercher, elle m’arracha le téléphone des mains pour lui parler. Elle lui dit qu’elle m’accompagnerait elle-même dans quelques jours à Valence car l’Œuvre était une famille… (Oui, vous avez le droit de rire… Quel cynisme !) Mon père insistait, elle insistait, ils n’arrivaient plus à s’entendre. Finalement mon père me demanda si j’étais d’accord avec ce qu’elle proposait. Moi qui étais au septième ciel et en pleine vision surnaturelle (la vraie), je lui dis : bien sûr, qu’il ne s’inquiète pas ! En fait, c’était surtout pour lui que je m’inquiétais.

Dans la soirée, les événements se précipitèrent, on m’obligea à méditer dans la prière sur la question : Ai-je ou non la vocation ? Je leur disais : « Oui, oui, bien sûr. » Et je passais ce temps de prière à faire des plans avec Dieu sur ma vie qui, à présent, commençait vraiment. Je voyais bien qu’ils ne pouvaient que m’accorder « la dispense », mais je m’attendais à tout de leur part. En tout cas, je n’avais plus rien à voir avec l’Opus Dei, désormais c’est moi qui décidais de ma vie et personne n’avait à me dire quoique ce soit sur ce que je devais faire. J’étais vraiment en paix, sûre d’avoir pris la bonne décision. ils devraient rendre compte devant Dieu de ce qu’ils avaient fait.

Oui, je me sentais heureuse et j’avais vraiment envie de partir.