Les méthodes totalitaires de l’Opus Dei dénoncées par 165 de ses anciens membres

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Par Paul Villach, le 5 janvier 2010


C’est pour comprendre comment un génocide pouvait être perpétré que Stanley Milgram a étudié la relation à l’autorité dans des expériences réalisées entre 1960 et 1963 et devenues célèbres pour les enseignements inattendus et jugés scandaleux qu’elles ont livrés : les acteurs d’un génocide, et donc de toute autre besogne administrative a fortiori simplement criminelle ou délictueuse, ne sont pas du tout des monstres comme il serait rassurant de le croire, mais, au contraire, des agents loyaux, disciplinés et d’une conscience professionnelle irréprochable, au demeurant bon époux et bon parent [1].

La soumission aveugle à l’autorité, une menace pour la survie d’une société

C’est donc la soumission aveugle à l’autorité qu’il faut incriminer : elle menace ni plus ni moins que la survie d’une société. Elle est, en effet, de tous les réflexes socioculturels conditionnés qu’un groupe social entend faire adopter à ses membres, la plus systématiquement et continûment inculquée. Ainsi l’individu en vient-il

  1. à limiter son champ sensoriel à la parole de l’autorité,
  2. à la faire seule juge du Bien et du Mal,
  3. et à abandonner toute responsabilité dans l’exécution scrupuleuse des ordres reçus sans songer à en discuter la légitimité.

Cela ne pose aucun problème quand l’autorité est bienveillante. Mais ne lui arrive-t-il pas d’être malveillante ?

On aurait pu penser que les désastres de la Seconde Guerre mondiale auraient conduit à une réflexion sur les dangers d’une soumission aveugle à l’autorité. On y a cru lors du procès de Nuremberg en 1945/1946 quand, du kapo à l’officier SS, tous se disaient « non responsables » des crimes qui leur étaient imputés : « J’ai obéi aux ordres ! » répondaient-ils invariablement. La condamnation de Maurice Papon par la cour d’assises en 1998, pour n’avoir pas désobéi aux ordres de déportation des Juifs de Gironde en 1942 et s’être rendu ainsi coupable de complicité de crimes contre l’humanité, a offert une nouvelle occasion de réévaluer la relation à l’autorité. En 2008 aussi, la cour de cassation, en confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Paris, a reproché aux coupables des « Écoutes téléphoniques de l’Élysée » de n’avoir pas désobéi aux ordres illégaux du Président Mitterrand. Mais on ne voit toujours rien venir qui organiserait une éducation à une soumission réfléchie à l’autorité.

L’Opus Dei, fer de lance d’une reconquête ?

Bien au contraire, il existe des groupes à vocation hégémonique où la soumission aveugle à l’autorité est la vertu cardinale exigée de leurs adhérents. Un témoignage de 165 anciens membres et responsables de l’Opus Dei, paru dans la revue Golias [2], révèle, par exemple, les méthodes proprement totalitaires qu’applique cet ordre religieux agréé voire chéri par l’appareil eccclésiastique de l’Église catholique : son fondateur, Josemaria Escriva de Balaguer, a, en effet, en un temps record, été canonisé en 2002 par le pape Jean-Paul II, soit sept ans après sa mort. Il semble qu’à la façon des Jésuites créés par un autre espagnol, Ignace de Loyola, et employés par la papauté pour lutter contre la Réforme protestante à partir du XVIème siècle, l’Opus Dei soit aujourd’hui le fer de lance d’une reconquête intégriste. Sa particularité est de coloniser les centres de direction d’une société, tant économiques que polititiques et culturels, pour en infléchir le cours selon ses vœux.

On mesure, en tout cas, à la lecture de ce terrible témoignage, comme la laïcité républicaine est un bonheur qui n’est pas négociable. On frémit à l’idée qu’une pareille engeance puisse un jour venir la supprimer pour imposer son ordre sociétal tyrannique pour autoritariens [3].

Les six piliers d’une destruction de la personne

L’Opus Dei recrute tant des célibataires que des couples mariés. Les 165 signataires du témoignage décrivent les méthodes totalitaires auxquelles sont soumis les laïcs célibataires.

1- La dépendance économique entière
L’individu qui travaille dans les entreprises relevant de l’Opus Dei, ne perçoit pas de salaire. Il est donc entièrement dépendant économiquement des directeurs, même pour ses menues dépenses (téléphone, déplacements, sorties, etc.). On ne saurait mieux asservir un individu.
2- L’insécurité juridique
Si, il y a pis. Aucun contrat de travail écrit ne lui est délivré ; aucun certificat n’atteste d’éventuels diplômes ou d’une activité. Tout se fait pas oral. Il n’est donc pas possible de prouver son appartenance à l’Opus Dei par un document écrit. Aucune procédure ne peut donc être engagée contre l’Opus dei devant un tribunal en cas de préjudice allégué. « Verba volant, scripta manent ». L’Opus Dei craint donc comme la peste l’écrit compromettant qui reste.
3- Le contrôle de l’individu par isolement social, voire déracinement par déplacements constants
L’individu est progressivement écarté de sa famille et de son réseau d’amis : la participation à des événements familiaux est chichement accordée. Les relations sont sévèrement contrôlées. Des déplacements constants provoquent un déracinement, voire une désorientation pour exiger une disponibilité entière de l’individu.
4- La délation institutionnalisée, appelée correction fraternelle
Cela ne suffit pas. Il faut encore surveiller sa conduite. Au sein même de l’Opus Dei, chacun épie son prochain. Sous prétexte d’un devoir de correction fraternelle, la délation est institutionnalisée : les conduites d’autrui jugées déviantes doivent être rapportées à la direction qui dicte la procédure corrective à suivre. Aucune critique de la direction n’est tolérée. Et, quoique ainsi rendues déjà difficiles par ces méthodes, les relations interpersonnelles sont étroitement contrôlées.
5- La censure de l’information
Il va de soi que toute information est soumise à une censure préalable de la direction : livres et autres médias doivent faire l’objet d’autorisation spécifique de la part de la direction. Les bibliothèques sont expurgées de tout ouvrage interdit. On songe à l’ « Index librorum prohibitorum  » décidé en 1559 par le Concile de Trente qui recensait les livres impies interdits aux fidèles [4]. Émissions de télévision, films, spectacles sont a fortiori passés au crible avant d’être éventuellement permis.
6- L’exigence d’une soumission aveugle à l’autorité
- Enfin, une soumission aveugle à l’autorité est exigée de l’individu ; elle caractérise ce qui est appelé « le bon esprit » par opposition « au mauvais esprit ». - La direction est seule juge du contenu de ces formules arbitraires à souhait : collégiale, elle s’organise selon une hiérarchie stricte ; - à la base, l’individu se voit imposer une double tutelle. Deux surveillants, un directeur spirituel laïc et un confesseur, l’observent au cours d’ entretiens hebdomadaires, le soumettent à un interrogatoire en plus de la confession à laquelle il est astreint. Ses révélations confidentielles sont consignées par écrit à son insu et adressées à l’échelon collégial hiérarchique supérieur qui, en retour, adresse ses observations et les directives à appliquer.


Selon les 165 signataires de ce témoignage ahurissant, il existerait donc sur le sol une association religieuse encouragée par l’appareil ecclésiastique de l’Église Catholique, l’Opus Dei, dont les méthodes porteraient atteinte aux droits de la Personne en violant délibérément les lois de la République. Comment ne pas y voir, en effet, des violations délibérées de la liberté de conscience, du droit du travail et des agissements répétés et réfléchis constitutifs du harcèlement moral. Si, comme le dit Gandhi, « la fin est dans les moyens comme l’arbre dans la semence », elle est jolie, la société dont rêvent ces gens de l’Opus Dei.

Aucun compromis ne peut être envisagé avec de pareils destructeurs des personnes. Comme au temps des partis fascistes et communistes, Islamisme et Opus Dei exigent la même soumission aveugle à l’autorité au profit de cliques différentes certes mais aussi illuminées l’une que l’autre. Ne retrouve-t-on pas, du reste, déjà certaines de ces méthodes de « management » dans des entreprises et des institutions républicaines, comme l’Éducation nationale ? Décidément la défense intransigeante de la laïcité et des droits de la Personne est redevenue aujourd’hui un combat quotidien si on veut tenir en lisière tous ces illuminés.




  1. Stanley Milgram, « Soumission à l’autorité  », Éditions Calmann-Lévy.
  2. Golias Magazine N° 129, novembre/décembre 2009, bimestriel, 8 euros.
  3. Selon Milgram, est « autoritarien » l’individu qui trouve son équilibre psychologique dans la soumission aveugle à l’autorité.
  4. « Index des livres interdits ». D’où l’expression « mettre à l’index  » qui signifie interdire. Nombre de génies ont eu cet honneur : Galilée, Descartes, Pascal, Montesquieu, Diderot, Voltaire, etc. Après le Concile Vatican II, en 1966, l’index aurait cessé d’être alimenté en œuvres nouvelles. Le Canard Enchaîné a tiré de cette censure, dans les années 60, un joli jeu de mots : « Le pape n’a rien compris au préservatif. La preuve, il le met à l’index !  »


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