Histoire de mes 16 années dans l'Opus Dei

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C.F., Argentine, 12.08.2003


A peine sorti du centre d’Etudes, j’étais nommé sous-directeur d’un Club pour adolescents. Là, je commençais, sans doute dans un mécanisme de défense erroné, à classer les membres de l’Opus Dei : ceux qui en comprenaient « l’esprit » et ceux qui l’appliquaient bêtement. Je pensais que l’esprit de l’Œuvre se dénaturait à cause de nos erreurs personnelles, mais aussi du pourcentage « d’abrutis » aussi élevé ici qu’ailleurs. Je ne veux pas dire par là, que l’esprit de l’Œuvre soit stupide, mais plutôt que ces « abrutis », appliquaient leur bêtise à l’esprit. Et par la suite, j’ai compris que la concentration « d’abrutis » dans le gouvernement de l’opus, était supérieur à celle du « peuple des fidèles ».

Dans ma classification arbitraire « d’abrutis » et «de normaux », je rangeais parmi les « abrutis », le directeur, le secrétaire et le prêtre de mon centre, tandis que le sous-directeur était « normal ». Nous nous étions concrètement tous deux opposés, Règlements en main, à ce que 3 garçons de 14 ans et demie demandent l’admission parce qu’ils n’avaient pas les conditions requises. Le directeur, le secrétaire et le curé partirent à leur cours annuel et comme par hasard, ces trois garçons demandèrent l’admission.

C’en était trop, je décidais d’entreprendre une “croisade” pour sauver l’esprit de l’Opus Dei. Désormais, je ne me contenterais plus de classer les gens en catégories, j’irais directement parler aux supérieurs. J’allais donc voir le responsable de Saint Raphaël, chargé des futures vocations de numéraires. Il m’écouta attentivement et me dit que si le Conseil Local avaient « vu » la vocation de ces garçons, je n’avais pas à m’inquiéter. Comme je n’étais pas convaincu, d’autant plus que ce directeur de Saint-Raphaël faisait à mon sens partie des « abrutis », j’allais voir immédiatement le directeur de Saint Michel, chargé des numéraires. Il m’écouta avec la même attention et me dit que dès le retour des intéressés, il leur parlerait. Je partais donc l’esprit tranquille à mon cours annuel, mais là j’appris les nouvelles mutations de chacun : je changeais de centre et le directeur de mon centre était nommé directeur de Saint Michel.

Cependant, je poursuivais ma “croisade”. Si l’on ne m’écoutait pas, je sautais les échelons de la hiérarchie, je poussai même une fois un Directeur Régional à remonter jusqu’à Rome en exigeant de voir une réponse.

Deux ans plus tard, je finis par être muté à la Commission Régionale sans toutefois faire partie du gouvernement, je n’étais que secrétaire du centre. Je vis cela comme un signe positif : plus près du cœur pour être plus efficace. En outre, le directeur du Centre qui ne faisait pas non plus partie du gouvernement, était « normal » et j’étais aux anges en apprenant que j’allais faire mon entretien hebdomadaire avec lui. Je lui commentais à quel point c’était drôle de se retrouver ensemble et il me répondit que nous étions peut-être là pour aider, mais sans doute aussi pour qu’on nous surveille de plus près.

Je réalisais vite qu’aucun esprit de “croisade” n’animait cette Commission Régionale, ils se la « coulaient plutôt douce ». Je demandais alors à quitter l’Argentine persuadé que dans d’autres contrées, le pourcentage « d’abrutis » serait moins élevé, mais on me répondit que je devais rester dans mon pays. J’exprimais alors le désir de quitter l’Opus Dei. On me dit d’y réfléchir sérieusement, mais le temps passait et je tenais bon.

On me suggéra alors d’attendre le passage de la “Commission de Services” en provenance de Rome, je pourrais leur parler tranquillement et tout s’arrangerait. La date de leur arrivée approchait et c’était de pire en pire : il fallait « remettre de l’ordre dans tout ce qui n’allait pas» avant que cette Commission ne pose le pied sur le sol Argentin. Je m’évertuais à leur dire qu’il ne fallait rien dissimuler pour qu’ils voient la réalité telle qu’elle était. Comme je n’obtenais pas de réponse, j’allais voir le Directeur le plus haut placé dans mon pays. Il me dit que je n’avais rien compris, qu’au contraire cette visite de Rome, était une occasion stimulante pour réparer des choses matérielles. Mais je me souviens de sa tête quand je lui racontais que je devais demander à ma mère qu’elle nous prête quelques meubles pour le passage de la Commission ce que je n’ai pas fait, mais je sais qu’on l’a fait dans plusieurs centres.

La Commission de Services arriva enfin, elle n’était formée que de deux personnes. Comme je devais parler de mon départ avec un Argentin que je connaissais bien, je refusais. On m’autorisa à parler avec le second Commissionnaire, un prêtre Espagnol. J’aurais voulu filmer sa tête, son silence était tellement éloquent. Puis il me dit qu’il ne pouvait en croire ses oreilles. Je me sentais donc en paix, persuadé d’avoir enfin trouvé un écho à mes paroles et que les choses allaient enfin changer.

Peu de temps après, il y eu des mutations dans la Commission Régionale. Je m’en réjouis jusqu’au moment où j’appris que ceux que j’aurais mis précisément « au placard », se retrouvaient maintenant à la tête de l’Opus Dei dans mon pays.

Alors, je me dis : ça suffit. Toute tentative pour préserver ce que je croyais et crois toujours être « l’esprit de l’Œuvre » était inutile et surtout totalement stérile. Un prêtre que je considérais comme « normal », n’avait cessé de me le répéter pendant 2 ans et je m’étais obstiné. On me dit d’attendre le cours annuel, deux mois encore, pour prendre une décision définitive. J’acceptais à condition qu’on m’accorde ensuite de ne plus vivre dans un centre car je craignais qu’ils ne changent encore d’avis.

A mon retour, j’écrivais ma lettre de démission. Le lendemain, j’allais à la Délégation, on me rappela que tant que je n’avais pas reçu de réponse du Prélat, je devais continuer à vivre comme avant. J’acceptais mais je refusais de faire « l’entretien fraternel » avec la personne qu’on m’avait désignée. Je refusais également d’assister au « cercle hebdomadaire », je ne viendrais au centre que pour me confesser avec le prêtre de mon choix. Je dois dire qu’on me laissa tranquille. Je continuais à faire les « Normes du plan de vie ». 5 mois plus tard, quelqu’un de la Délégation demanda à me voir, mais chez moi, je n’ai toujours pas compris pourquoi, cependant j’acceptais. On me dit que j’avais obtenu la dispense mais que je pouvais encore changer d’avis.

J’étais dans l’Opus Dei depuis 16 ans, 5 mois et 3 jours.