Du zèle au fanatisme

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Par Bruno Devos, paru dans La face cachée de l'Opus Dei en 2009.


Avertissement aux hommes et femmes de bonne volonté :


1. En entrant dans l’Opus Dei, le nouveau membre sacrifie sa liberté, sa raison, son humanité :

Quelle douleur, si un fils de Dieu s’avisait de vouloir redevenir maître de sa volonté qu’il avait donnée au service de cette Œuvre où règne la Croix salvatrice[1] !

Je te demande, dès maintenant, une fidélité qui se manifeste dans le profit de ton temps, la maîtrise de ton orgueil, la décision d’obéir avec abnégation, ton effort pour maîtriser ton imagination[2].

C’est mon esprit et il doit être le vôtre, mes fils et mes filles. Vous ne venez rien prendre dans l’Œuvre : vous venez pour vous donner, pour renoncer par amour de Dieu à toute ambition personnelle. On doit tous renoncer à quelque chose, si nous voulons être efficaces et travailler comme Dieu le veut, comme un âne fidèle, ut iumentum ! La seule ambition d’un bon bourricot est de servir, d’être utile[3].

Il te faut obéir coûte que coûte, en y laissant ta peau[4].


2. Un membre de l’Opus Dei n’a pas le droit de douter de sa vocation. Conditionné par son choix, il ne peut plus faire marche arrière :

Lorsqu’on a vu clairement sa vocation, ne serait-ce qu’une seule fois, ne serait-ce que la première et dernière fois, quand on a mis la main à la charrue, on doit continuer pour toujours, par fidélité, sans se retourner[5].

Le devoir d’accomplir ses promesses pacta sunt servanda, selon l’expression classique, a été reconnu par tous les peuples comme une obligation morale qui va de soi, et comme condition sine qua non pour former toute société et communauté entre les hommes : seuls les animaux sont à la merci de leurs instincts ; la créature humaine soumet les impulsions désordonnées de ses passions ou de sa volonté à la lumière de la raison, qui en plus, pour les chrétiens, est illuminée par la foi et renforcée par la grâce de Dieu. C’est pourquoi le Nouveau Testament ne mâche pas ses mots pour décrire ceux qui se laissent dominer par le caprice de leurs sentiments : Ils sont semblables aux nuages vides poussés par les vents, aux arbres d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés ; aux vagues furieuses de l’océan qui rejettent l’écume de leurs impuretés ; aux astres errants voués à l’obscurité des ténèbres pour l’éternité. Jude I, 12-13[6].

Le Créateur nous a choisis de toute éternité pour cette vie de don total : élégit nos in ipso ante mundi constitutionem (Ephes. I, 4), Il nous a choisis avant même la création du monde. Aucun de vous n’a le droit, quoi qu’il arrive, de douter de sa vocation divine : Dieu, nous donne une lumière, une force intérieure, gratuitement. Il veut que nous unissions notre faiblesse à sa Tout Puissance, nos ténèbres à sa lumière. Il nous cherche pour que nous participions à sa Rédemption, avec une offre concrète dont nous ne pouvons douter, car face à mille raisons que nous connaissons par cœur, il nous donne un signe visible : le fait même de travailler dans son Œuvre avec une totale abnégation, sans aucune raison humaine. Si nous n’avions pas reçu cet appel de Dieu, tout ce travail plein de sacrifices dans l’Opus Dei, nous mènerait vers l’asile de fous[7].

La preuve irréfutable que l’on a la vocation à l’Opus Dei, c’est que l’on est… dans l’Opus Dei. Si on la quitte, tout le bien que l’on a fait n’est plus rien. La vie n’a plus de valeur en elle-même, elle se mesure à l’aune de son utilité à l’Œuvre.

Si nous ne pouvions aller jusqu’au bout de notre don total, notre existence serait inutile, elle n’aurait servi à rien[8].


3. Le plus grand devoir d’un membre de l’Œuvre est de faire en sorte qu’aucun membre, y compris lui-même, ne puisse en sortir. Et ceci grâce à la vigilance :

Un moyen indispensable pour se sauver de telles situations et seulement avec l’aide de Dieu, c’est une sincérité totale. Pour y arriver, il faut traiter [celui qui doute de sa vocation] avec une grande affection – pleine de vision surnaturelle – en l’aidant à mettre son âme à nu devant les directeurs. Il doit être humble et docile : c’est le chemin sûr pour qu’il persévère, avec la grâce de Dieu qui ne lui manquera pas.
Il faudra lui faire voir la Bonté de Dieu et l’encourager au repentir ; lui parler de la vraie liberté des enfants de Dieu, qui consiste à se soumettre et qui se concrétise par l’obéissance. Il faudra lui montrer ce que la fidélité apporte à son salut éternel et le mal que l’infidélité peut faire à tant d’âmes ; lui conseiller de ne pas prendre précipitamment une décision qu’il risquerait de regretter toute sa vie. [...]
Il faudra aussi découvrir avec prudence s’il fréquente intimement quelqu’un en particulier ; s’il recherche le conseil d’un prêtre étranger à l’Œuvre au lieu de se confier à ses frères ; quel genre de correspondance il tient : il écrit peut-être à sa famille, à des amis ou à d’autres personnes qui lui donnent de mauvaises influences ; quels livres il lit et s’il a des problèmes dans son travail[9].

Je m’obstinerai toujours à affirmer que sans une sincérité totale, on ne peut persévérer[10].

En outre, comme je vous l’ai souvent répété, si quelqu’un partait sans que l’on puisse en expliquer la cause, je n’hésiterai pas à accuser de péché et même de péché grave, les directeurs et mes enfants qui auraient vécu à côté de cette personne[11].

Soyez en sûrs, mes enfants, en matière de foi, de pureté et de vocation, tout est important. Si l’on écrivait l’histoire des déserteurs, on pourrait constater qu’elles commencent toujours par une série de petits abandons dans le domaine de la foi (par exemple dans le culte liturgique), ou dans le domaine de la pureté (parce que l’on ne surveille pas bien ses sens), ou de vocation (parce que l’on dialogue avec les tentations contre la persévérance au lieu de les rejeter violemment). J’estime que dans ces domaines, tout est important. Toute infidélité se manifeste très vite par une perte progressive de la joie à servir Dieu.
Cette personne – qui est déjà tombée ou qui est en train de tomber – répond avec insolence, elle a de mauvaises manières ; elle blesse par ses paroles, elle est agressive dans ses conversations (surtout sur des sujets politiques), elle est plus proche de ceux qui sont dans l’erreur que de ceux qui vivent à ses côtés, ceux dont elle partage la vie. Elle cesse de prier. Les plus orgueilleux dissimulent cette crise derrière le masque hautain de la froideur d’une attitude pseudo intellectuelle. On ignore ce qu’il y a dans le cœur de ces hommes et femmes jusqu’au jour où l’on découvre qu’ils ne sont qu’imbus d’eux-mêmes.
Mes filles et mes fils, ne vous fiez jamais à votre opinion. Même après tant d’années, même si vous pouvez compter par dizaines vos années de persévérance, ne vous y fiez pas ! Soyez vigilants avec vous-mêmes, aidez-vous les uns les autres[12].

Celui qui part a tous les torts. Face aux « déserteurs », la Prélature, jamais ne se remet en question : a-t-elle été à la hauteur de ses promesses ? S’est-elle vraiment comportée comme une famille ? A-t-elle aimé ? A-t-elle manifesté de la miséricorde ?... L’Opus Dei est sans taches, dit-elle, s’appropriant encore une caractéristique de l’Église.


4. L’Opus Dei légitime son déni de la liberté de conscience :

Certains prétendent que l’on ne peut « obliger » à persévérer une personne en état de crise objective ou subjective dans sa vocation chrétienne au célibat ou au sacerdoce, car ce serait la condamner à l’amertume et dit-on, Dieu ne peut souhaiter à personne d’être malheureux.

Il est évident que c’est un raisonnement faux et très pernicieux[13].

Si la tentation nous venait de vouloir rabaisser les exigences de Dieu envers une personne, sous prétexte de se montrer « bon » ou « compréhensif » face à certaines circonstances, nous ne devrons jamais oublier que succomber à cette erreur provoquerait irrémédiablement – tôt ou tard – un préjudice grave à l’Œuvre et aux âmes[14].

La consigne s’applique tout particulièrement aux malades et fragilisés :

Si [une personne malade] a des pensées contre la persévérance, il faut l’écouter calmement, sans s’énerver, mais aussi en lui faisant comprendre que ce n’est pas un sujet à prendre à la légère. Sur ce point, en y mettant les formes, il faut lui rappeler fermement que Dieu donne la vocation pour toujours. D’autre part, il est évident qu’une personne dans un tel état ne peut raisonner normalement et encore moins prendre une décision qu’elle pourrait regretter par la suite[15].

Voilà la « formation » que reçoit toute la pyramide issue de la Prélature. Voilà probablement aussi la raison du soin que prennent les responsables de l’Œuvre pour cacher ses règlements internes ! S’ils étaient aisément accessibles, l’Opus Dei pourrait-elle fonctionner en toute impunité dans le cadre de l’Église, comme elle le fait maintenant ?




  1. Saint Josémaria, Lettre 14 février 1974, n° 3.
  2. Saint Josémaria, Lettre Videns eos, 24 mars 1931, n° 45.
  3. Saint Josémaria, Lettre Res omnes, 9 janvier 1932, n° 85.
  4. Saint Josémaria, Cercle bref 10 juin 1962.
  5. Saint Josémaria, Réunion 23 juin 1959 (Crónica, VI-58, p. 7).
  6. Expérience sur la manière de mener l’entretien fraternel, 19 mars 2001, p. 194.
  7. Saint Josémaria, Lettre Videns eos, 24 mars 1931, n° 47.
  8. Saint Josémaria, Réunion 19 mars 1972 (Crónica, IV-72, p. 53).
  9. Expérience sur la manière de mener l’entretien fraternel, 19 mars 2001, p. 197.
  10. Saint Josémaria, Lettre 14.02.1974, n° 22.
  11. Saint Josémaria, Instruction pour les Directeurs, 31 mai 1936 (publiée et probablement rédigée en 1967), n° 97.
  12. Saint Josémaria, Lettre 14 février 1974, n° 21.
  13. Expérience sur la manière de mener l’entretien fraternel, 19 mars 2001, p. 192.
  14. Ibid., p. 106
  15. Ibid., p. 207.


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